Remarquable, cher ami. Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes.
J'ai un secret, donc.
Je le possède, mais pas comme un trésor : plutôt comme la clef du coffre.
On thésaurise. Eventuellement, on confie la clef. Je s'efface. Histoire que les plantes soient arrosées quand on n'est pas là. Mais pas le coffre, pas le secret en lui-même.
Confier, ce n'est même pas prêter. C'est conférer, un temps, une responsabilité qu'on compte bien reprendre. Que même on n'abandonne à aucun moment. On délègue, on stratifie, ce qui ajoute, fort opportunément, à l'opacité.
Bien souvent pour cacher qu'il n'y a rien à cacher, au sens où ce que l'on cache ne court pas réellement de risque. Le danger que crée ex nihilo la verbalisation a principalement pour objet de valoriser l'insignifiant.
Mais peut-être est-ce pour véritablement masquer l'insignifié.
Ou simplement, prosaïquement, pour me faire mousser. Retour du je. Réapparition, plus précisément - réappropriation. Car l'autre à qui l'on confie le secret n'est guère qu'une instance passive, une lune. On s'en sert, je m'en sers comme d'un miroir grossissant, et c'est bien là que le bât blesse. La dissimulation est manifestement prise en défaut.
- J'ai un secret à te dire.
Non merci. J'attendrai que tu ne me le dises pas.
Les murmures, toujours, sont assourdissants.