31/05/2007

Mutisme de rigueur ?

La philosophie est une lutte contre la manière dont le langage ensorcelle notre intelligence.
-- Ludwig Wittgenstein

30/05/2007

Hiver 1243

Les chevaux, alors, envahissent la plaine.
Leurs yeux se dilatent au rythme de la haine
que soufflent leurs montures de chair et d'acier
sous les étendards par l'orgueil levés.
Déjà, si vite, le métal cingle et lacère,
et le fil de l'épée dessine son chemin
dans des corps qui, sitôt transpercés, indiffèrent.
Je vois un genou à terre et, dans le matin,
un gantelet qui rend au jour son hommage,
une gorge de sang derrière le blanc d'un fanion.
La victoire, dit-on, n'admet pas de partage.

Croisements

A chaque fois (hier, encore), ce
tressaillement coronarien. Cette pause
au cœur de la respiration. A l'envie succède déjà
l'appréhension. Et l'après. Car après arrive
toujours si vite que
la rétine en vient
à douter.
Dans sa tension, la ficelle
de chanvre s'effiloche ——————

J'allume l'autoradio :

Every step we take that's synchronized
Every broken bone
Reminds me of the second time
That I followed you home

Là-haut, la voute

Nous étions montés très haut, peut-être contraints,
je ne sais plus. Ce que je sais, c'est que tu
avais compté les barreaux de l'échelle d'acier
et que tu en avais trouvé vingt-huit. J'ai, pour ma part,
jeté ma carte d'identité à
celui qui, tout en bas, ne voulait pas croire
aux chiffres de ma naissance.
Puis, un peu courbé,
tu as bougé
une des briques rouges dans la voute.
Inutile de dire que tout a tremblé.
Je me suis mis alors, moi aussi, à compter.

29/05/2007

Pacte manqué

Il y a des gens
qui sont contraints
de vendre leur corps

pour survivre.

28/05/2007

Cazotte: entretien, suite et fin

L'Autre avait condescendu (manière de parler)
à s'entretenir avec lui, en toute inimitié.
Parce que la lumière faisait l'ombre
il était une voix avant tout.
Cazotte notait, en son fors intérieur,
les préciosités de son idiome et, en bon
philologue, tirait quelque satisfaction
à l'entendre recourir aux mots les plus
justes pour parler de son souhait.
"Le secret de mon escole?
Il m’est avis certes quant je le nom, pour toi,
Goutes de fiel et austres degoutent de son non."
L'Autre esquissa un sourire,
et, de la main et de l'œil, lui montra un mur:
"Or t'a d'un seul tour si bas mis", dit-il,
Et Cazotte vit le mur s'ouvrir,
et, par cette porte, la nuit rentra.
Les instants arrivent toujours, se
répétait-il.

C'est sur le seuil que tout s'est passé.
Cazotte n'en est jamais vraiment revenu.
Cela restait au moins autant à dire
qu'à écrire, se dit Cazotte, en songeant
au calendrier et aux jours
qu'il faudrait ajouter.

Cazotte: passage

Pour M. P.

Un an, un an et il était déjà si loin,
et chaque heure passée n'était plus une heure en moins.
Comme les pensées reviennent toujours au Même
dans l'inégalité de ce lourd Savoir.
Attendre est impossible lorsque le vent essaime
aux quatre coins les graines d'un aveugle espoir.

Et son cheval vieilli se cabre auprès des morts.
Cazotte prend dorénavant pour tout repas
ce qu'on lui donne, en chemin, ici et là.
Son âme connaît bien le nom d'Aymaymon,
elle longe à présent des allées de nacre
où des rois maquilés dans l'attente du sacre
sallisent tristement la poudre qui les dore
et font se déchirer les drapeaux d'Avalon.

Cazotte a oublié de rire ou de pleurer.
Il sait que Salomon ne s'était pas trompé.

27/05/2007

Cazotte: salle d'attente

Monsieur Cazotte faisait maintenant mine
d’ignorer le regard de son voisin et
s’absorbait dans la contemplation d'un
calendrier accroché au mur.
Papeterie Marlot, SARL. Depuis 1866.
Sur la table, une revue ouverte sur
une publicité qui, croyait-il, lui
reposerait l'esprit : Ecole de
commerce international Hélois Shemppet.
Genève-Londres-Berlin

Hypothèse

Tout roman devrait débuter ainsi : "La phrase qui précède celle-ci ne peut figurer sur cette page."

The Scarlet Letter

Il y va d'un bégaiement, au creux du titre et à la lettre près, que ne pouvait laisser pré-voir la décision (ou l'incision) du déictique (The) dans le titre, du déictique en titre : let-let. La lettre est ainsi, dès l'abord, offerte puis reprise, comme par avance. Et pour tout dire, reprisée, et, de cette façon, presque déjà cousue et brodée sur le sein d'Hester. Le geste est aussi celui d'une entaille, d'une cicatrice (scar) laissée à un certain endroit et qui expose autant qu'elle cache la lettre en son secret: un signifiant dont le signifié reste à venir, à jamais.

26/05/2007

Vérité de l'acouphène

Remarquable, cher ami. Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes.

J'ai un secret, donc.
Je le possède, mais pas comme un trésor : plutôt comme la clef du coffre.
On thésaurise. Eventuellement, on confie la clef. Je s'efface. Histoire que les plantes soient arrosées quand on n'est pas là. Mais pas le coffre, pas le secret en lui-même.
Confier, ce n'est même pas prêter. C'est conférer, un temps, une responsabilité qu'on compte bien reprendre. Que même on n'abandonne à aucun moment. On délègue, on stratifie, ce qui ajoute, fort opportunément, à l'opacité.
Bien souvent pour cacher qu'il n'y a rien à cacher, au sens où ce que l'on cache ne court pas réellement de risque. Le danger que crée ex nihilo la verbalisation a principalement pour objet de valoriser l'insignifiant.

Mais peut-être est-ce pour véritablement masquer l'insignifié.

Ou simplement, prosaïquement, pour me faire mousser. Retour du je. Réapparition, plus précisément - réappropriation. Car l'autre à qui l'on confie le secret n'est guère qu'une instance passive, une lune. On s'en sert, je m'en sers comme d'un miroir grossissant, et c'est bien là que le bât blesse. La dissimulation est manifestement prise en défaut.

- J'ai un secret à te dire.
Non merci. J'attendrai que tu ne me le dises pas.

Les murmures, toujours, sont assourdissants.

Comment ne pas parler?

Je pense n'avoir rien lu, au final, de plus resserré sur le sujet. Entendons sur ce type de sujet qui, précisément, n'existe que dans son occultation en tant qu'il est a priori sujet. Et, pour tout dire (tentons de le dire), cela va au-delà de l'idée du "secret nommé". Pour qu'un secret soit (pour qu'il existe, en tant que secret), il faut qu'il soit partagé. Le secret, ab origine, inscrit en effet dans son avènement autant la nécessité du silence que l'inévitabilité de la rupture de ce silence: j'ai un secret à te dire. Resserrons plus encore : j'ai un secret. Même lorsque l'effacement de la possibilité du dire tente de se faire passer pour une interdiction du dire, même lorsque l'entre semble s'effacer dans la syntaxe (soulignons : semble), l'énoncé est déjà en soi une infraction au code du silence. Au moment où le secret secrète, à l'instant même où il entre dans la relation du entre (présent de manière explicite ou non), il cesse d'être alors pleinement secret. La conclusion alors s'impose: il n'y pas de secret qui soit. Glosons : c'est le passage à l'être, via le logos, qui condamne à mort le secret. La sentence exécute. Le phénomène relève d'une double aporie, énonciative et épistémologique, qui pourrait d'ailleurs se condenser dans la question posée ci-dessus: comment ne pas parler? Il faut dire/lire la question à voix haute pour être certain de ne pas l'avoir bien entendue.

Ici et là

On est bas.
Lorsque l'on dit "là-haut", on lève les yeux.
Mais "là-bas" suscite un regard horizontal.
Quant à "ici-bas", qui semble indiquer une plus grande proximité de point de vue, il renvoie au contraire au Très-Haut, qui est en outre très loin, pour le moins.
Par ailleurs, dans cette dernière expression, de sujet du regard, l'on devient objet.
Décidément, on est bas.

En piétons

Empiétons en passant(s) sur un ailleurs agité pour deviser ici, au rythme tranquille d'une bal(l)ade contemplative, sur la question qui y est soulevée.
Il faut en effet, comme on le dit là-bas, déplacer les mots pour que le secret se crée. Entre nous.
Reste à savoir si l'entre invite à la complicité ou fait au contraire enfler une distance à génération spontanée.
Mais ça reste entre nous.

25/05/2007

Crypte

J'aime cette idée, à tout prendre, et donc à ne rien laisser, que cela pourrait échapper au calcul...
Ce serait un bon début.

[filip]

Le Nombre d'Or au bord des lèvres.

Onomastique, définition et fatalité.
Magie, aussi. Sur-tout.

Nabilone

Se trouver au travers de son chemin,
c'est réussir brillamment sa quête identitaire.

D'autres se trouvent bien souvent en travers,
deux lettres annulant à elles seules
tout l'acquis lacanien du fameux stade du miroir.

Dans le premier cas, en revanche,
l'acquis se fait acquit : la progression alphabétique,
nécessairement stochastique, témoigne du cheminement,
au sens où l'on avance en découvrant que l'on est loin
d'avoir épuisé les possibles. Il faudra s'acquitter encore,
et c'est heureux.

Soit dit en passant, je goûte la référence partagée.
Jusqu'à la lie, qui s'impose.

24/05/2007

Emétine

Je me gêne.
J'ai souvent l'impression de me trouver au travers de mon chemin.
Très différent de ça: "and suddenly I felt something rise inside me that wasn't vomit. It was a sense of pride", The Long Hard Road Out of Hell p. 91.

Quelques cendres aussi

C'est avec les textes qu'on parle, non ?
J'entends par là qu'ils sont des interlocuteurs, d'abord,
puis des instruments de discussion.
On ne parle ni vraiment d'eux, ni sur eux,
mais bien avec eux.

C'est rassurant, quand je pense au faible taux de prévalence
des QI supérieurs à 70 parmi les gens, dont je suis, qui ont lu
The Long Hard Road Out of Hell.

De la morgue, là, mais pas la même.

Poussière de bibliothèque

Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813; L’Ami Fritz.
Paul Bourget, Un divorce; Le Démon de midi.
Georges Duhamel, Chronique des Pasquier; Chronique des saisons amères; Biographie de mes fantômes.
Georges Clemenceau, Au soir de la pensée.
Renan, L’eau de Jouvence.
Edmond Rostand, L'Aiglon.
Maurice Barrès, Un homme libre.

De ma génération, je me demande parfois si je ne suis pas le seul à avoir lu ces livres... Ce n'est pas de la morgue, comprenons-nous bien. Tout juste l'appréhension d'une grande tristesse. Celle de n'avoir personne avec qui en parler.

Sadisme masochiste

Faire faire.

Antiphrase

"faire avec..."

Loin devant

A vivre, les jours qu'il nous reste sont une réserve d'enfance.
C'est le vécu qui est adulte, même le plus ancien, puisqu'on lui assigne un sens sûr.
Si l'expérience relève du démontage maniaque, obédient,
l'à-venir est quant à lui toujours une construction fantasmatique de soi dans l'inconnu,
une projection saturée de sens - un cri dans la doxa : un nom.

Alors ce ballon, oui, il y est encore. Parce que la suggestion ne peut pas prendre, en la circonstance. L'air s'échappe ou se dissipe, mais la baudruche n'est pas franchement un modèle de biodégradabilité. C'est ainsi.

On le sait quand on comprend que l'adulte a toujours tort, absent qu'il est, par nature, du présent.

Le voyeur vu, voyant qu'on le voit voir

A New York, on est toujours entre deux écrans.
Sauf qu'on ne sait jamais vraiment de quel côté.
On en vient à chercher son propre regard des yeux, vice et versa.
Les autres se font miroirs - sans tain, il faut l'espérer.

Loin de là

Voilà: deux lignes d'André Maurois,
et je me remémore, sans effort
un ballon sans sa couleur,
                          attaché sur le
haut d'une banderolle, dans une
cour de lycée, et que j'avais suggéré
de décrocher.

Il y est encore. Je sais.

Voix ferrées

... te rends-tu compte...et tout ce temps-là, il était ...
moi, tu vois... c'est complètement dingue ... n'arrive pas
à me faire à cette idée ... alors, oui, ...
l'année prochaine... on peut pas...
ce soir ...

Le grondement du train fait
bourdonner les paroles
mais émousse leur piquant.
Je ne sais si je dois m'en féliciter.

Ceux des fossés

Faut-il ?
Question coupable.
Mais doit-on ?
Approche à tâtons, il se fait on.
Qui parle de se défausser ?

23/05/2007

S'agir (2)

Bégayons un peu. S'a-s'agir. Soudain l'agitation se fait moindre, le mouvement se ralentit. On peut même accueillir le féminin, alors qu'il (encore) n'a aucun droit de cité dans la présentation incipitale et impersonnelle, impersonnifiée de l'agissant. Toujours cette passivité illusoire, et l'ass-agissement du guerrier.

Sillon (2)

Percé jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,


Il faut écouter le vers en sa pointe: Jusques au. C'est en ce lieu que ça perce, longuement. Lentement.

Il y a

Oui. Il y a. There is. Pire encore: es gibt. Autant d'expressions impropres pour renvoyer à la littérature. À la littérature comme contenant et contenu, comme "substance" à trouver ou qui se donnerait d'elle-même. Il y a là une logique de la présence qui semble prévaloir et qui, nous en avons tous fait l'expérience, informe l'enseignement de la discipline à presque tous les niveaux. Or, la littérature ne se donne ni à lire, ni à trouver. Elle participe d'un retrait et s'inscrit dans la garde ou le repli. Si c'est un don, il est juste esquissé, puis nous est retiré aussitôt. Le manque est ce qui, alors, demeure.

22/05/2007

S'agir

"Il s'agit". Il est dommage que seule la topique du sujet soit communément entendue dans l'expression: certes, c'est bien une question de sujet, a matter of, mais qui entend encore l'agitation qui règne au cœur de la question? Ou quand la monstration se fait sollicitation, mise en mouvement, action, ou quand le about retrouve toute son extériorité, sa périphérie, ses alentours, ses à côtés: "O.E. onbutan "on the outside of," from on "on" + be "by" + utan "outside," from ut (see out)."

Sillon

Parce que l’évitement — et donc probablement l’évidement — est au cœur même de ce que l’on appelle par défaut, et comme un défaut, la "chose" littéraire, il est vain de tenter, par la force, de vouloir y mettre (là, ici, dedans) ce qui ne peut que bouger et s'évanouir. Chaque livre lu érode la chose pour ne mettre en avant que la "littérature", à savoir ce qui participe d’une absence essentielle, tant sur le plan de l’intentionnalité signifiante que sur celui d'un signifié a posteriori, établi et certain. Il ne s'agit pas, évidemment, d'un geste de négation, mais bien d'un point de départ permanent vers tous les possibles, le moment même de l’Aufriss, le tracé-ouvrant et donc séminal que dessine toute littérature.

Geste

Son geste de la main a changé.
Je vois ses doigts à travers le pare-
brise et mes yeux
reconnaissent autre chose
qu'un salut. La vitre n'y est pour rien.
Et l'impact a lieu derrière le cristallin. Aucune
assurance pour un bris de glace
qui ne se produit pas.

21/05/2007

Faire (2)

Et puis on est toujours affairé à se faire quelqu'un d'autre, que le verbe soit transitif ou non. Rien de plus compliqué, mais en l'occurrence c'est surtout après que la difficulté se fait jour.
Sous la forme réfléchie, l'altérité est encore plus ingérable. Pas de petite mort digne de ce nom pour consacrer la fin d'une faction de hasard. On est réduit à s'en faire, sans savoir vraiment quoi.
L'en-faire, ce n'est pas les autres.

Faire

Si l'on consacre tant de temps et d'énergie à défaire ou refaire, c'est, au fond, parce que faire est tout simplement la chose la plus compliquée au monde.

Demeure

Dernier mot, plus haut. Demeure : il y aura toujours pour moi, dans ce mot, autant de confort que d'inquiétude. Le mot reste à écouter et sollicite de nous sa ré-écoute. En permanence, il invalide ce qu'il pourrait impliquer en toute première instance, et chaque lecture, à la suite, inscrit du doute dans et à partir de l'oikos. En somme, le mot, en dépit de que l'on peut/veut imaginer, inquiète son "j'y suis, j'y reste" et nous fait hésiter sur le lieu et ce qui a lieu. Je reviens. J'y reviens.

15/05/2007

Lessive des voiles

Lavons donc en famille, histoire de faire place nette et table rase d'un revers de la main, poursuivant ainsi, plutôt que conditionnant, cette conversation fort plaisante. Je rappelle ici le frontispice de ce lieu : "Ca suit son cours". N'hésitons donc pas à nous perdre.

Glosons, aussi. Hubert Nett est übernett, soit très très gentil. La part lumineuse, donc, de l'avatar Krèkrèméfant. On a eu vent aussi d'un certain Hyprashanti, dont une adolescente alsacienne versée dans l'étude du sanscrit aura compris qu'il entretient quelque parenté avec le sieur Nett, de même qu'avec l'ubac de ce dernier, ce qui en fait à n'en pas douter le cousin germain de l'un des deux.

Tous ces masques sont faits de voile et n'ont d'autre but que de découvrir, peut-être, et c'est tout ce que je me souhaite, le mouvement karmique instable que, par commodité plus sociétale que personnelle.

14/05/2007

Salir

En espagnol, ça veut dire sortir. J'ouvre la porte en espagnolette, pour figurer la fenêtre qu'elle se veut être, en vérité, parce qu'écrivant, on n'invite qu'à voir. Pas à entrer, tout comme on ne sort pas, puisque l'écriture relève effectivement de la jecticité. On brûle à l'intérieur, on se consume dans l'espoir de produire, au dehors, une fumée signifiante, évanescente et, par définition, insaisissable. Mes mots prêtent à voir, visibles mais intouchables, étant donné que tout ce qui entre, tout ce qui passe le chambranle, seuil en trompe-l'oeil, est voué à être rejeté à la faveur d'un processus fondamentalement digestif. Au cannibale, je préfère le vampire, question de goût.

Mon nom, cette construction sociale qui n'est qu'une armure de déterminismes dont j'ai peine à distinguer l'envers de l'endroit, il est déjà dehors. Né en captivité. Impossible de le rater, il est juste devant la porte-fenêtre, au bout de la pâture qui est aussi l'orée du rejet : Karl Mengel.

Pseudo (2)

Au mépris du mépris comme de toute méprise, et tout en sachant que la vérité est plus un mouvement du voile qu'un dévoilement, il est, au-dessus de tout, préférable de courir le risque de signer de son nom propre. Et il ne s'agit pas là d'être plus clair ou plus vrai. Il s'agit seulement, au final, de se reconnaître, un peu, de se retrouver, l'espace d'un instant, et l'instant d'un espace, dans ce geste d'écriture qui toujours déjà nous conduit à nous égarer. C'est la loi du genre. Pourquoi donc en rajouter par la cryptonimie? Alors, voilà : au bas, de cette note, encore une fois, j’ai signé. De mon nom. Mais je sais aussi que c’est bien une signature en creux. Et, comme toutes les signatures (en dépit du traitement typographique), elle demeure difficilement déchiffrable, lisible et identifiable sauf, plus sûrement, par celui qui la commet. En signant, je ne fais jamais autre chose que laisser une marque qui me rappelle à moi-même et qui, finalement, n’atteste que ma présence à un moment de mon histoire, à un moment de l’Histoire. Et puis, si le propre du nom, c'est probablement, à plus ou moins brève échéance, de se retrouver en situation d'expropriation, alors autant l'inscrire et ne pas devancer l'effacement.

Noms communs, lieux propres

Travestissement, dévoilement, au bout des mots tout est mensonge.
Mais on ose moins se salir dès lors qu'on parle en son nom propre.

Pseudo (1)

À une époque où, sur la toile et ailleurs, tout le monde joue à cache-cache, de manière plus ou moins convaincante, l'absence de masque reste, à mes yeux, le meilleur déguisement. Ou tout au moins elle en signale la vraie possibilité.

Trace (2)

L'écriture n'est que pro-jet. Mais elle ne l'est pas tant en raison d'une intention signifiante que dans son essentielle jecticité, dans cet envoi qui, précisément, défie tout calcul et toute vélléité de programme. Et, en celà, elle est véritablement événement. Ca arrive. Et toutes les chances sont a priori réunies pour que soit manquée la cible.

13/05/2007

Trois lettres de chat

Trois lettres de chat font chapeau.
Trois lettres de chat font chat.
Il suffit que des langues s'entrecroisent.
C'est du propre.

Trace (1)

Écrire, c'est sans cesse réaffirmer l'allégeance à la rupture et, alors, mettre en avant la surchage de néant qui habite les mots.

Onze heures moins cinq

La pendule du bureau
s'est arrêtée et l'heure qu'elle signe
dit combien nous passons sans compter.
Voire inaperçus.

Formule

Ou petite forme.
Un sourire en esquisse,
où l'oeil fait naître l'ironie.
Et les lèvres le doute.

Discussion (2)

La proximité appelle le silence, qui n'appelle rien en retour.
Le doute est alors dans la bouche. Est-elle à la lèvre, ou à l'autre bout du souffle ?
Quant à la commissure, la langue la réserve à l'infraction. Il faut donc attendre encore.

Près de qui, c'est toujours la question.

12/05/2007

Discussion

La lèvre est enfin privée de sa bouche.
Esquisse de silence. À voir, une fois
encore. Je cherche -- à présent -- la formule
qui pourrait faire apparaître
une commissure de doute.

Je suis tout près.

Bien avant Philby, Burgess et McLean ...(2)

Viens de commencer Madame de Bonneuil, femme galante et agent secret: 1748-1829 (Paris: Laffont, 1987). Intéressant, mais décousu. Tout au moins les 60 premières pages. A suivre.

11/05/2007

Quincaillerie

La résistance qu'offre la crémone
donne à voir, ce matin,
un désir
de fenêtre. Jalousie. Jedem das Wort.

Bien avant Philby, Burgess et McLean ...

Ai fini Le faux évêque de la Vendée, de J. M. Augustin (Paris: Perrin, 1994). Ou comment un quidam réussit à se faire passer pour l'évêque d'Agra et le chef de l'insurrection vendéenne. Sans que l'on sache vraiment aujourd'hui si ce Guillot de Folleville était un agent des généraux royalistes ou un espion du Comité de salut public. Une chose est certaine : il a trompé tout le monde. Certes, il finira, comme beaucoup, décapité. Ce qui me fait relire ce matin, en un détour inattendu, certaines pages de la Lettre ouverte aux coupeurs de têtes et aux menteurs du bicentenaire, de Philippe de Villiers (Paris: Albin Michel, 1989). Lecture à conseiller à mon ami K.

10/05/2007

Asmodée

Ce soir, très fatigué. Diablement, devrais-je dire.

09/05/2007

Notule

Tous mes livres sont d'occasion. De seconde main, ou de circonstance.

Allais: La vie drôle?

J'ai terminé hier soir l'excellente biographie d'Alphonse Allais par François Carradec (Paris : Belfond, 1994). Un délice et un modèle d'érudition. Et ce qui ne gâte rien c'est que l'on peut trouver un éclat de rire à chacune des 500 pages. Mais, plus intéressant encore, Carradec a compris combien ce grand seigneur de l'esprit, qui ne riait jamais de ses propres plaisanteries, était un grand mélancolique, voire un misanthrope à la hauteur de L. F. Céline. Et il y a de quoi désespérer en effet face aux gens. Car, même si Jules Renard, nous le savons à la lecture de son Journal, voyait en lui un grand écrivain, Allais reste malheureusement pour beaucoup trop qu'un simple humoriste qui (soyons sérieux) aurait dû se faire pharmacien.

08/05/2007

Palier

La marche s’est dérobée il y a bien longtemps. Je n’embrasse que le vide, pour ne pas avoir dévalé cet escalier.

Comme ça : pour Frédéric Dard

Ca s'est figé une fois encore.
C’est comme ça. Mais bon...
J’écris dans ma tête. J’y lis
Aussi.
On pourrait se passer de tant de monde.
Mais comment faire lorsqu'on a perdu Saint-Antoine
et qu'on ne voit plus que ses larmes?
C’est comme ça. En fait,
Ce n’est plus drôle du tout, tu sais.
C'est coincé à un endroit.

Début (2)

Et encore faudrait-il savoir où aller.
Encore que. "Donnez un but précis à la vie : elle perd instantanément son attrait", disait Cioran
La citation, précisément.

Le geste participe, à la fois, de l’extraction et de l’ente. Le fragment, ainsi greffé, bouturé, peut prendre ou être l’objet d’un rejet. Il peut être ou discret ou trop visible. Tout réside dans le degré de visibilité des points de suture. Le processus peut être un subtil travail de tissage ou un ravaudage grossier à l’image du monstre de Mary Shelley. Et il ne s’agit pas là d’un problème de guillemets présents ou absents.

Début (1)

• Il faut toujours un point de départ. Ne serait-ce que pour ne pas partir. C'est la loi d'un certain genre qui veut ça. L'on pourrait en effet imaginer s'attarder ici un peu plus, sans forcément aller beaucoup plus loin, et ainsi faire du liminaire un moment d'hésitation. Comme à chaque fois que l'on part: avons-nous bien fermé la porte à clef?