26/06/2007

100.1.10

Tel est le tag mystérieux qui se répand sur les surfaces inscriptibles de Rouen telle que je la retrouve. L'oeuvre peut-être de quelque vandale féru de numérologie, d'un graffeur qui ne sait guère compter que jusqu'à un, ou bien (qui sait ?) d'un nouveau Basquiat.

Quelle que soit l'intention de l'auteur, auquel échappe sans doute, comme bien souvent, la puissance du message dont il est le modeste vecteur, moi j'y lis avec délectation l'ânonnement d'un pied-de-nez monumental : sans indice.

24/06/2007

Mouvement de

A l'instar de profiter. Associé au moment, le verbe forme même, en composition, une regrettable aporie.

Recul

La conjuguaison ne doit pas nous tromper. Devoir est un verbe qui n'est jamais présent.

18/06/2007

Autre mode

L'on peut, certes,
espérer

revoir
tomber
(un jour)
sur les parquets
des mouchoirs de dentelle,
au détour d'un regard,
au retour d'un regard.

14/06/2007

12/06

To F.

This you will deny.
The wait will remain unacknowledged,
Though endured.
You waited — of course, you did.
Yes ——.
Just to ascertain, presumably, that you were right.
It was your turn after all.
After me. It was your day.
The words I wrote, once sent,
Once received, only (as always)
Led to a silence I was summoned
To read as scorn.
This is what you expected.
I know.
But I also
know you waited
For the words.

11/06/2007

Pas

Quand on vit à Manhattan, il est impossible de ne pas marcher vite. C'est un problème tellurique. A New York, on fait (le) tout rapidement. Avidement, évidemment. Je déteste cette chaîne circula(to)ire qui m'oblige à suivre mes (propres)
pas,
qui ne sont pas miens, car...

Chemin faisant (téléologie new-yorkaise)

...moi j'aime les pas encore, les pas pressés, les pas vus mais pas pris, les pas de deux et les pas de charge, les pas le temps, les pas toujours, les pas cent qui font les sans pas, les pas souvent les pas mesurés les pas d'ici aussi les pas du rien et surtout les pas dit. Singulier.

10/06/2007

Chemin

On chemine. Longuement. Et avec nous, les mots. Blanchot (toujours) l'aura dit. Oui. La première fois que ce mot a pris son sens, c'est sur une couverture de roman. Diloy, le chemineau. De la comtesse de Ségur. Cadeau de mon grand-père. On y voyait un jeune garçon, portant besace et casquette, sur un chemin. Précisément. L'illustration de couverture avait ainsi, elle aussi, fait cheminer un mot qui, jusqu'à cet instant, résonnait autrement à mes oreilles. Le mot était ailleurs, un peu perdu pour tout dire. Puis, les années passèrent et, Diloy, vieillissant (il faudra plus de vingt années), rencontra un jour le chemin d'un autre, et d'un autre livre (qui, lui, n'a pas d'illustration sur la couverture):

Nel mezzo del cammin di nostra vita
mi ritrovai per una selva oscura
ché la diritta via era smarrita.


Encore vingt années de plus et il n'est pas certain que Diloy et le mot aient vraiment retrouvé leur chemin.

Après toutes ces années...
J'en doute fort.
J'ai toujours, dans ma bibliothèque, l'ouvrage de la comtesse de Ségur. Le papier a jauni. Mais j'aime cette odeur, au-delà de tout. Je viens, aujourd'hui, de contempler, de nouveau, la couverture. Et, là, en effet, en cet instant, tout de suite et donc un peu trop tard, je me suis demandé ce que je regardais.

09/06/2007

Ses pieds

Le noir et blanc, au soleil, ça vire au fauve.
Le manichéisme bronzé se fait sauvage, et comme un peu moins vieux.
Pour les autres, en tout cas.

Car il faut se voir, soi, ne serait-ce qu'une fois, sur un cliché en sépia. Tous les appareils numériques le permettent, ce qui n'est d'ailleurs pas la moindre des contradictions - pour ne pas parler d'ironie. Parce qu'alors, on se regarde d'un autre oeil, presque historiciste, on s'imagine autre et plus loin, on se voit (enfin) se voir sans savoir qu'on est vu.

On s'épie.

Comme si le temps, allongé de toute pièce et hors de proportion, nous rejetait dans une génération antérieure. Coup de soleil, coup de vieux. Alors on se demande comment on vit, comment on avance. Comment on chemine.

Et qu'est-ce qu'on regarde ?

Sépia

Elle semblait,
je crois,
ne pas vraiment prendre
au sérieux
ce qui se
disait. Son regard, souvent ailleurs, s'allumait parfois et on y lisait
le mépris. Le gris de son gilet
était
à peine plus foncé que ses cheveux.
La main gauche,
posée sur la table de jardin,
avait trente ans de moins,
par cette journée
(moyennement)
ensoleillée.

Il y avait dans l'air,
ça j'en suis certain,
un parfum de savon.

07/06/2007

Artaud à Rodez

Là, l’entrelacs. C’est là que la pensée se resserre, pour advenir... Oui, enfin, là au creux d’une absence, au bord de l’encore impensé, là où la pensée s’affirme comme la simple invitation d’elle-même à elle-même. Torsion, tort (vrai), tour, retour. Je me demande même si au bout du compte, tout au bout, ce qui se passe ne se passe pas sans moi, au-delà de moi, même si (non ?) en moi. Le tremblement s’opère, et la souffrance travaille une surface, un objet qui s’annonce. Au bord de, c’est là. Opération, opéra, opus, op (cit.), o. Trop, alors que c’est moins. Partie(s). un, deux (et après). Paragraphe. Par. (a). Graphe : §. Artificialité de l’Aufhebung. Plus, si ce n’est pas déjà moins. En réserve. Garde. Exemple. Ex. Hors de. Biffer, raturer, effacer. Méthode. Odos. Le chemin ? Préambule : marcher avant, devant. Faire marcher. Marque, re-marque. Eye-twitching. Je. Voix passée, passive. Ordre. Liens. Soigner, soin (alors guérir, trouver … ). Phrases : début, rebut. But. Telos. On. Non. N(on). Nous. Rigueur (à la). Rhéorique. Rhéteur. Plus de bretteur. Langue à l’œuvre. Coupe (re-, entre). Plan (étranger à toute idée de, disais-je). Indisponibilité de moi-même, a priori. Idiome. Esperluette. Involution : suivre la trace. Mais, cependant, néanmoins. Or (aussi). Logos (verbe). Logo. Lolo. Lo. Logolalie. Lali, lala, lalère. Idée : §. Si. Peut-être, mais aussi oui. En fin.

À mon ami

en effet...

Et ainsi (de suite) tout
est
dit d'un certain
constat (aussi nécessaire
que pénible).
Et aussi,
(c'est peut-être dommage)
de l'effectivité
du dit constat.

Ça joue.

Je vais
rester encore un peu.
Malgré tout.
Malgré le moins aussi.

Allegro, ma non troppo


C'est l'histoire d'une parenthèse

Mornitude zéro

"La chair est triste,
hélas !
et j'ai lu tous
les livres".

On est bien mal armé, décidément,
lorsqu'on est un jouisseur érudit.


L'attente.

Du prochain frisson,
d'une nouvelle couverture.


L'attente, toujours.
Déçue, comme de bien entendu.

06/06/2007

Et un

Comprenne qui pourra.
Il faut avoir un certain âge, pour ça.
Du silence performatif comme voeu discret.

The number of the least.

05/06/2007

Huisseries

Aujourd'
hui
(c'est là que le jeu a lieu,
qu'il se déploie)
un peu
plus
enfin, un
peu moins moins.
Hier, là,
à cet
endroit
je
n'avais
pas
mal.
Ou alors...
S'habituer,
c'est ça,
au fond:
à être, toujours, un
peu plus,
moins.

04/06/2007

(il)

C'était un "on" comme une inspiration,
profonde,
avant que le "je" n'expire
à nouveau.
Il mûrissait dans un souffle.
Comme tout le monde.

(je)

"On", disait-il,
une fois que la vague
d'orgueil s'était
retirée,
pour le laisser pantelant,
et, pour l'heure,
incertain.

02/06/2007

C'était là

A bien y regarder, tout tourne autour de la trace.
Nous tournons autour, nous y revenons sans cesse, pensant peut-être mieux la fixer, alors que chacun de nos tours et nos retours ne peut produire que son érosion.
Une partie de ce qui se passe ici trouve peut-être son expression la plus achevée dans Robinson Crusoe.

It happened one day, about noon, going towards my boat, I was exceedingly surprised with the print of a man's naked foot on the shore, which was very plain to be seen on the sand. I stood like one thunderstruck, or as if I had seen an apparition. [...] I could see no other impression but that one. I went to it again to see if there were any more, and to observe if it might not be my fancy; but there was no room for that, for there was exactly the print of a foot-toes, heel, and every part of a foot. (Chapter XI)

Car, en effet (revenons y), pourquoi une seule empreinte de pied?

Peut-on répéter un silence ?

Oui, la question est obsédante. Et si belle.
Et la question, aussitôt posée, invite irrésistiblement à la parole. Elle nous somme de la prendre. Mais, déjà, cette dernière, à peine prise, soucieuse de dire quelque chose (je ne dis même pas répondre quelque chose) se surprend à multiplier les faux départs, ne réussit à assurer ce qui confine à de l'inchoatif, et retombe dans des hésitations silencieuses — des tacets, serais-je tenté de dire qu'il est difficile de taire.

01/06/2007

Contours du silence

De ce qu'à moi, ou à tout le monde, il semble ainsi, il ne s'ensuit pas qu'il en est ainsi. Mais ce que l'on peut fort bien se demander, c'est s'il y a sens à en douter.
---- Ludwig Wittgenstein, De la certitude

La voici donc, cette fameuse citation.
Assortie d'une question obsédante : peut-on répéter un silence ?

Interrogation qui fait d'ailleurs craindre, ou espérer, une nouvelle disparition -- des mots écrits, en tout cas, pas forcément du sens, ni même de l'écho ainsi creusé dans l'entendement.

Où l'on en vient aussi à se demander si le tu ne sert pas de pochoir à l'aio quod sum.

Ces mots de Wittgenstein rappellent en tout cas que le doute véritable est par nature mis en abyme, à l'instar de la certitude. Pourtant, si l'on est toujours sûr d'être certain, on ne l'est souvent pas moins de douter, par l'effet d'un nombrilisme borgne qui largue allègrement les amarres de l'héritage pascalien.

Ou alors...

Ou alors, il faudrait —- mais rien n'est moins sûr —— apprendre à ne plus parler, ou désapprendre à parler. Peut-être alors échapperions-nous enfin, dans la conversation de tous les jours, à ce qui peut s'apparenter à une forme d'épilepsie collective (je songe, ici, à mots à peine couverts à tout ce que Cioran a pu écrire à ce sujet) qui, à chaque instant, à tout bout de champ/chant nous laisse comme hagards, mais aussi (croyons-nous) soulagés d'avoir pu dire ce qui devait être dit (et donc, fait) au terme de ce que nous envisageons bien souvent comme une course de fond. Oui, il faudrait peut-être désapprendre à parler, afin de dépasser le vacarme d'une éloquence qui cherche à prendre le nom de communication, afin de voir la course comme ce qu'elle est: à savoir, une course de forme. mais un tel mutisme ne parlerait plus que de lui-même, et pour lui-même; ce ne serait qu'un silence sans âme, seul, sans fond, et sans véritable raison d'être, autre que la simple négation de la parole. Un silence qui dirait non. Il faut peut-être, au contraire, laisser le silence s'affirmer, dire son oui, et ainsi le laisser s'entretenir avec la parole, dans la parole. Certes, ceux qui n'écoutent qu'à demi ne verront pas la contrefaçon et, entendant le bruit de la parole, la confondront sans surprise avec sa substance et sa densité. Mais la parole n'est pleine qu'aux oreilles de ceux qui refusent d'entendre la confession -- perpétuellement réitérée -- d'un essentiel défaire au coeur même de son déploiement. C'est d'ailleurs en cela -- et peut-être en cela seulement -- (j'en reviens à la citation effacée, disparue de Wittgenstein à laquelle je n'ai cessé de songer aujourd'hui) que la parole est toujours ensorcelante. À l'instar de l'idiome dont use la sorcière, la parole dit toujours du défaire. Si ce n'est sa défaite. Oui, il faut, en effet, faire avec ça.

"And made him brenne his book anon right tho.
———— Chaucer, The Wife of Bath's Prologue v. 815

Pseudês

Dans la dissimulation résonne presque l'étymologie d'un double jeu. Autrement dit, l'on joue deux partitions à la fois, l'une couvrant l'autre, vice et versa. Mais si les notes se croisent avec art, l'oreille mélomane entendra des accords plutôt que des sonorités simultanées, des arabesques au lieu de figures rhétoriques. La dissonance, d'alliance incongrue, se fait double murmure et le dialogue échappe aux sourds, à dessein. Des deux lignes harmoniques, l'une est brute et authentique, l'autre un mouvement poétique, un élan, la ligne de fuite des vélléités assumées. Elles se rencontrent sans arrêt, ces lignes sinueuses, semant chaque fois les chasseurs maniaques de vérité pour n'emmener que les croisés du sens, toujours un peu plus loin.

Dans tous les noms, j'entends un refus. Le pseudo, lui, se pose en mensonge pour appeler à être lu. La barrière est alors enjambée, l'esprit passe outre les barbacanes. S'ouvre le domaine du surnom, un étage au-dessus, où l'on peut enfin surprendre le temps d'écouter.

Suspension

Reste la liberté thélémite, et même les esbats de la Wicca : la rigueur s'évanouit précisément dans la doctrine. Mais il ne faut pas se laisser étourdir par les circonvolutions de la doxa, car la loghorrée frénétique qui la caractérise, expectoration d'un individualisme de marchand, couinement pathétique d'un je qui se cherche en s'affirmant plus qu'il ne cherche à s'affirmer, ne donne que plus de relief à l'aphonie chéloïdienne : l'essentiel est tu.

(...)

Le propos semblera singulier pour celui dont l'œil fut trop rapide, ou aveugle. Mais, ici, il y a encore quelques heures, se trouvait une citation de Wittgenstein sur la certitude. Ou tout au moins sur la relativité de ce sentiment. J'aime l'idée qu'un tel sujet puisse se jouer de la certitude même de son inscription. Il figure, fait bonne figure, affirme sa présence, puis, discrètement, s'efface. Ne reste qu'un doute quant à ce qui a été vraiment lu. Ou, avec un peu de chance, entendu. La citation échappe alors, par l'entremise de cette seconde main, à une certaine phénoménologie pour n'être que sollicitation, mise en mouvement, et, enfin, mouvement elle-même. Elle était . Des heures passent. Mais cela pourrait être des jours ou des années. Et c'est alors que la parole, revenant du silence qu'elle s'était imposée, resurgit pour s'inscrire de nouveau. Et -- oui, Crowley n'est jamais loin —— la parole parlée, usant de toute sa dangereuse magie, murmure l'impossible rigueur du mutisme.