15/08/2008

XXXVI tonnes et un peu plus

Certains —— et il y a parmi ces certains des certaines que j'aime inconditionnellement —— ont cette extraordinaire capacité à s'aimer au-delà de toute raison qu'ils finissent par ne plus vous prendre pour ce que vous êtes. Je m'explique. Vous êtes là, aux ordres, tel Jean-Baptise présentant sa tête à Salomé, de façon quasi permanente. Et ils la prennent, cette tête. Sans hésitation. Je me fais parfois l'effet d'une carapace de tourteau sur un plat de fruits de mer, un dimanche soir d'été à Trouville, sur le coup de onze heures. Mais, baste, peu importe. Bon appétit, servez-vous, et après vous s'il en reste. Et dieu sait que le gastronome est difficile. Il trouvera à redire sur la présentation des plats et la vitesse du service. La typographie du menu peut même être matière à désaccord. Il rechignera sur le fait que tout, au final, a un prix et est nécessairement le résultat d'un long processus qui requiert patience. Mais cela n'est rien. Voilà, je me sers, à toi. Prends. Je l'ai fait pour toi. Certes. Mais pourquoi, seigneur, pourquoi faut-il que ces gens vous en veulent à ce point? Pourquoi faut-il qu'en faisant appel à vous, ils vous rabaissent de facto à une chrysalide de nullité? L'ultime représentation discernable entre pas grand chose et rien du tout? L'on demande votre service mais, dans le même temps, l'on vous fait comprendre que vous n'êtes qu'une vapeur d'être, ectoplasme sans avenir, projet d'annulation complète. Vous voilà ancillaire, alors que vous ne demandiez, somme toute qu'une infinie tendresse. J'ai dit tendresse. Je n'ai pas dit fellation, notez bien. Je ne suis pas complètement dupe : je sais bien que ce dernier art a tendance à se perdre. Il requiert, par-delà une sensualité réelle, tellement de don de soi...