21/07/2007

De l'horreur: invitation

Une question me taraude, en ce moment.
C'est une question d'horreur. Et c'est du cinéma.
La question de l’horreur cinématographique a déjà été plus qu’entrevue. C’est ce que l’on peut penser. Des regards se sont posées sur elle, et ont cru la voir comme telle. Est-il d’ailleurs pensable de ne pas la voir, alors même qu’elle semble crever l’écran de toute sa force et se définir comme un véritable index verum sui. Elle paraît défier tout commentaire en s’avançant elle-même, en se montrant elle-même en un geste qui semble relever, à la fois, d’une certaine performativité discursive et d’une indiscutable autorité herméneutique. Nous sommes là, dans notre fauteuil, et plus ou moins assis confortablement, nous regardons. Nous la regardons, nous dit-on, à l’œuvre, dans ce que nous sommes censés interpréter comme son essentielle évidence. L’on nous dit que nous la voyons en tant qu’elle se donne à voir comme telle, et qu’elle ne peut que nous laisser sans voix. Esquissons un battement de cil, juste qu’il faut pour rafraîchir l’œil. Et peut-être aussi pour mieux écouter la voix qui me parle d’horreur. On ne présente plus l’horreur, nous dit cette voix qui cherche à se faire oublier, à nous faire oublier qu’elle est une voix et que nous l’écoutons nous parler. La voix nous dit surtout d’ouvrir les yeux, de garder les yeux ouverts et donc d’éviter ce que nous avons déjà fait, à savoir de battre des cils. C’est à voir, nous dit-elle.
Justement. Prenons ça au pied de la lettre.
Cela reste à voir, en effet. Voire, à revoir. Et l’on chercherait alors en vain un endroit : car si la voix et l’image me parlent d’horreur, elles ne nous parlent pas de l’horreur, de l’horreur comme lieu d’origine. Là d’où ça vient et là où se passe. Là où ça fait vraiment mal à l’œil, là où l’œil est frappé par la nuit. Car c’est toujours un choc. Il y va, en effet, d’un coup d’œil, et presque aussitôt d’un coup sur l’œil.
Pour voir l’horreur, en tant qu’elle est horreur, l’on devrait, donc, pour commencer, fermer les yeux. Parce que c’est ici que tout se joue, précisément quand ça ne se joue plus sous notre regard. Essayer d’y voir plus clair dans l’horreur, au sujet de l’horreur, n’est somme toute possible qu’en inquiétant le spéculaire et les lumières du spectacle. Prenons ainsi appui sur ce qui déjà vacille et tentons d’ignorer l’inconfort de la situation. Prenons du même coup notre cécité inaugurale pour ce qu’elle est, c’est-à-dire la métaphore ou peut-être la mimèse d’une incertitude générique. Acceptons d’entrevoir, ici, dès le début, la faillite, du titre et du genre, si ce n’est d’un certain genre de titre ou d’intitulé.